Je vais encore passer pour quelqu'un d'horrible, d'inhumain ou d'idiot mais j'ai beau me forcer : je ne vois pas pourquoi il faudrait libérer à tout prix Ingrid Betancourt et surtout pourquoi la croisade entreprise par notre UberchtiPrésident préféré est relayée avec cette force par les médias français.
Parce que toute initiative de Sarkozy, répondra-t-on, fait l'objet d'une couverture médiatique maximale quelle qu'elle soit, coup de reins, réception d'une victime quelconque, du "fakir Kadhafi" comme s'en moquait Claude Chabrol dans Libération récemment... mais ce n'est pas suffisant.
Ingrid Betancourt a certes un peu de France dans les veines (elle y a passé une partie de sa vie parce que son père y était ambassadeur de l'UNESCO) mais est-ce suffisant pour en faire une affaire d'Etat ?
Ferait-on tout un foin si Brice Lalonde (prenons le au hasard), candidat écolo-démocrate bobo (puisque c'est ce qu'était Betancourt à l'époque, guère plus, malgré une soi-disant popularité que les Colombiens de souche confirment du bout des lèvres) avait été enlevé par une quelconque armée de libération angolaise?
On peut concéder au clan Betancourt que leur mère, femme ou candidate, ne mérite pas moins d'attention qu'aucun autre otage, qu'elle faisait figure à elle seule de symbole, en tant que femme, en tant que démocrate, en tant que porteuse de l'universalité française (c'était avant tout une belle bourgeoise, il suffit de retracer son parcours pour en avoir une petite idée) de nombre des valeurs auxquelles nous croyons .
Mais il semble que la place qu'elle occupe aujourd'hui est disproportionnée par rapport à l'enjeu réel que sa libération représente. Il n'est d'ailleurs pas étonnant (et pas anormal), compte tenu des enjeux de politique étrangère, que depuis le début de sa détention, elle n'ait pas figuré, malgré le courage et la surface médiatique de ses parents (souvenez-vous de la chanson de Renaud qui faire faillit mourir les FARC mélomanes), parmi les dossiers prioritaires de l'Etat Français.
Si Sarkozy a choisi d'en faire, dès son investiture, une affaire d'Etat et une affaire telle qu'elle occupe aujourd'hui les gros titres, si on connaît tous les visage de sa fille et de son fils, c 'est bien parce que la cause Betancourt comme celle des infirmières sert à abriter d'autres enjeux et à illustrer une nouvelle fois la toute-puissance phallique du nouveau Président.
Peut-on imaginer un instant que notre cowboy Rambo national ne puisse pas se glisser dans la jungle, ses grosses corones dans un fuseau camouflage, égorger quelques guerilleros soixante-huitards et pro-35heures et ramener la belle Ingrid (décharnée, malheureusement) dans une sorte de bateau à moteur ultrarapide sur... l'Orénoque, tandis qu'il la limerait comme une bête sur le chemin du retour.
Le Président sort les affaires comme des Jack in the Box pour divertir et détourner l'attention mais aussi pour épater le chaland et nous en mettre plein la vue. Il n'est pas à exclure non plus que Sarkozy soit, comme à son habitude, touché par la dimension people de l'affaire : Betancourt est de sang "noble", vient d'une famille prestigieuse et influente sur le plan diplomatique.
Son côté légitimiste en appelle à l'Internationale des Grands de Ce Monde, société secrète non constituée à laquelle Sarkozy rêverait d'appartenir en libérant la la candidate à la présidentielle.
En croyant qu'il y a une utilité quelconque (renforcer notre place en Amérique du sud, ah,
Lunettes Carrera GORDON 1,ah, faire ami ami avec le gros Chavez...) à libérer Ingrid Betancourt, on nous intoxique et on nous fait trembler pour rien. Si elle disparaissait, sa famille aurait un gros chagrin.
Ce serait une tragédie pour la démocratie en Colombie mais qui aurait, même pour ce pays qui en a connu d'autres, tout sauf l'ampleur d'un tremblement de terre. On peut souhaiter évidemment une libération pour l'otage et ne pas être aveuglé par ce que cette libération représente.
Site de soutien à Ingrid Bétancourt